BAS LES MASQUES
Cédric Plouvier
Etaient-ce les masques d’une illusion ?
Publication à suspense
Thriller Historico-fantastique Enquête
Adulte
1918. Le lieutenant Camille Loucet est piégé dans l’enfer des tranchées avec ses hommes. Dans l’horreur des combats, il découvre parmi les cadavres semés par la guerre des corps étonnamment mutilés et frappés d’un étrange symbole à la nuque.
Est-ce une marque ? Un sceau ? Quelle est sa signification ? Des questions qui demeureront en lui sans réponse. La guerre est terminée, et Loucet est devenu inspecteur d’académie adjoint. Un jour, il est envoyé inspecter un pensionnat pour jeunes garçons, perdu dans une forêt des Ardennes, non loin des tranchées où il a jadis combattu. Mais, il découvre par hasard sur le bureau du directeur une feuille contenant le fameux symbole. Dès lors, son inspection va prendre un tournant inattendu.
Critique par CHLOÉ M. R.
J’ai découvert ce livre au hasard d’un service presse, j’avais le choix entre deux œuvres et c’est celle-ci que j’ai privilégiée. Elle était assez loin de mes lectures habituelles, mais le résumé m’avait intriguée. J’ai toujours aimé les romans historiques et un peu de suspens ne m’a jamais rebutée, surtout si l’enquête promet de pencher vers l’ésotérisme, ce qui semblait alors être le cas. J’appréhendais toutefois un peu un potentiel basculement dans le domaine de l’horreur, laissé envisagé tant par certains thèmes du résumé que par une couverture correspondant davantage aux clichés de ce genre qu’à ceux du thriller.
Le style d’écriture de l’auteur, très dynamique, correspond tout à fait à ce que l’on s’attend à trouver dans un thriller. Il est fait de phrases courtes au vocabulaire précis incluses dans des paragraphes eux aussi très courts qui permettent donc de donner un aspect fluide au texte, mais aussi de contribuer à une forme de rapidité. C'est un moyen habituel pour accentuer la tension d’une scène, et celui-ci est d’ailleurs renforcé par le choix d’un point de vue interne, celui de Camille Loucet, qui offre au lecteur une plus grande possibilité d’association avec le personnage et, par là même, lui permet de davantage ressentir ses sentiments, augmentant de ce fait la tension. De plus, ce point de vue suppose une progression lente dans l’intrigue et la rend d’autant plus intéressante qu’elle se dévoile par bribes à travers les réflexions de Camille. Néanmoins, malgré ces efforts, je n’ai pas été happée. Le paradoxal manque de caractérisation du personnage principal rend l’attachement difficile ; sans cela toute la tension tombe. De même, l’effet de suspens lié au mystère entourant le pensionnat ne fonctionne pas toujours puisque certaines découvertes sont en réalité plutôt prévisibles et ce très tôt dans le roman. Par ailleurs, les dialogues posent eux aussi problème : en dépit d’une volonté de réalisme et d’un contexte différent du fait de la dimension historique de l’œuvre ils semblent souvent très artificiels et, si c’est sans doute parfois volontaire, ça ne l’est clairement pas toujours. Cela conduit, là encore, à ce que des scènes, qui devraient presque devenir des luttes tant la tension y devrait être forte, ne soient que des moments de creux nous laissant sur notre faim. D’un point de vue éditorial, quelques coquilles et une ou deux légères incohérences sont présentes mais rien qui ne gêne véritablement la lecture, le travail dans son ensemble étant plutôt sérieux.
Coté récit, on sent dans la construction de l’intrigue, un important travail fait par l’auteur. Tout d’abord le contexte historique est parfaitement connu et très bien mis en avant dans le déroulé du roman, c’est d’ailleurs ce qui permet aux quelques écarts faits par rapport à la réalité de ne pas poser problème. Ensuite, c’est la construction en elle-même qui est intéressante. L’œuvre a très clairement été créée pour que les chapitres d’introduction, et notamment le premier, servent de miroir à certaines discussions qui arriveront dans le dernier chapitre ; le travail qui a été fait pour cela est notable et ce malgré une fin particulièrement étrange et inattendue. De même, on peut noter que les deux fils conducteurs de l’entièreté du roman sont présents dans chacun des chapitres, bien que de manière un peu forcée par moment. Néanmoins, il y a quelques soucis dans le plan global de l’œuvre, soucis partiellement liés au résumé. En effet, celui-ci insiste en nous parlant d’un pensionnat dans lequel l’intrigue semble se passer, dès lors tous les chapitres sur la guerre – que j’ai pourtant particulièrement appréciés – ne semblent être qu’une très longue introduction, près d’un quart du roman, dont on ne perçoit pas toujours l’intérêt avant la fin de la lecture, et ce malgré les références ponctuelles à ces évènements. De plus, entre l’introduction et la conclusion se trouvent dix chapitres assez maladroits dédiés aux péripéties et à l’avancement de l’enquête. On y suit le personnage principal de scènes convenues en découvertes attendues, certains moments étant même des poncifs, voire des clichés du thriller fantastique, utilisés au premier degré, sans recul aucun. D’ailleurs, le manque d’enjeux clairs et de menaces précises contribuent aussi à une impression de remplissage et à l’absence de tension. En outre, l’enchaînement de ces clichés m’a personnellement sortie du livre tant l’accumulation me paraissait finir par devenir absurde, d’autant que certains évènements plutôt étranges ne font sourciller personne, pas même Camille pourtant étranger à ces manifestations fantastiques. D’autres moments, bien plus ponctuels, m’ont eux aussi fait sortir de ma lecture : lorsque le personnage se met à développer, sur quelques dizaines de lignes le plus souvent, des réflexions se voulant un peu philosophiques qui ne paraissent pas lui appartenir en propre ou, en tout cas, qui s’insèrent mal dans le contexte du roman. Enfin, un dernier problème m’a marquée : les relations entre les personnages sont parfois assez difficilement crédibles ; sans doute est-ce lié au manque de caractérisation évoqué plus tôt, mais les amitiés me paraissent très rapides et étonnamment fortes au vu des différences très marquées entre les personnages, que ce soit du point de vue de l’âge ou du rang de ceux-ci, surtout lorsque l’on tient compte du contexte historique de l’œuvre.
Bas les Masques est roman est très ambigu. Il possède à la fois de très grandes qualités – une maîtrise évidente de son sujet et de son contexte, une bonne construction malgré une fin particulièrement inattendue et ce qui aurait pu être un épilogue un peu cliché – et d’importants défauts sur lesquels je ne vais pas revenir. Si je n’en conseillerais certainement pas la lecture à ceux qui sont habitués aux thrillers, ils seraient déçus, cela peut sans doute intéresser ceux qui, jusque là, hésitaient à se lancer. De même, pour ceux qui voudraient s’essayer à une lecture fantastique tendant un peu vers l’horreur mais pas trop, ce roman peut s’avérer pertinent, voire intéressant.
De bonnes intentions mais trop de maladresses