ASSASSIN’S CREED

FORSAKEN

ASSASSIN’S CREED V

 

Oliver Bowden

 

livre

J'en avais fini par me voir, non comme un Templier, mais comme un homme ayant des racines chez les Assassins et des croyances de Templier, et dont le cœur avait brièvement battu pour une Mohawk. En d'autres termes, un homme au point de vue unique.

 Publication de l'imaginaire

 

Novélisation     Aventure    Historique

Adulte

 

   « Je suis un maître des lames. Jamais je ne prends le moindre plaisir à tuer. Je suis simplement doué pour ça. »

1735, Londres. Haytham Kenway a appris à manier l’épée depuis qu’il est capable d’en tenir une. Alors, quand des hommes armés attaquent la demeure familiale, assassinent son père et enlèvent sa soeur, Haytham défend son foyer de la seule manière possible : il tue.

Après ce drame, un mystérieux tuteur le prend sous son aile et l’entraîne pour faire de lui un assassin redoutable. Consumé par sa soif de vengeance, Haytham se lance dans une véritable vendetta. Il ne se fie à personne et remet en question tout ce qu’il a toujours connu. Conspirations et trahisons l’assailliront de toutes parts tandis qu’il plongera au coeur du conflit séculaire qui oppose les Assassins aux Templiers.

Critique par Élisabeth L.

 

    J’avais ce livre sur mes étagères depuis longtemps puisque mon intérêt pour la franchise Assassin’s Creed ne date pas d’hier, mais ce n’est que maintenant, près de cinq ou six ans après avoir joué à Assassin’s Creed III, dont il est adapté, que je m’attaque à ce tome. Avant toute chose, l’histoire n’a pas grand-chose à voir avec la couverture. Celle-ci reprend, en effet, celle du jeu là où le roman se concentre sur un personnage que l’on joue pendant une séquence, puis qui devient secondaire dans tout le reste du jeu. C’est un détail marketing dommage mais que ça ne vous piège pas.

     Contrairement aux romans précédents, celui-ci se présente sous la forme d'un journal intime rédigé par Haytham, à différents moments de sa vie sans régularité. Là où les autres tomes ne faisaient "que" raconter à la troisième personne l’histoire des jeux, ce format nous permet non seulement d’explorer des parties absentes des jeux, mais aussi d’accorder plus d’importance aux réflexions de Haytham à  travers une plume recherchée qui nous donne accès à une partie de lui. Je ne suis toutefois pas entièrement sûre du fait qu’un enfant de dix ans puisse écrire aussi bien, mais je lui laisse le bénéfice du doute : 1735, autre temps, autres enfants. Quoi qu’il en soit, en plus de l’élégance générale, il est appréciable de voir évoluer la plume de Haytham - à travers celle de l'auteur - au fil de son apprentissage et des années. Il est ainsi beaucoup plus métaphorique et imagé quand il est jeune, voire drôle quand il est enfant, mais peu à peu, il devient plus pragmatique, voire désabusé, et on ne retrouve un ton plein d’espoir qu’avec Connor. Toutefois, le choix du format journal ne semble pas assumé jusqu’au bout et demeure lissé pour correspondre à une narration de roman plus classique, et c'est d'autant plus vrai quand on se penche sur la licence des dialogues et de certains traits de narration qui se rapprochent plus du roman à la première personne que du journal, notamment des adresses aux lecteurs ou des « votre serviteur » pour parler de lui, même si les pointes cyniques sont plutôt appréciables. Je suis toutefois plus dubitative sur les parties "sommaires", c’est-à-dire les résumés en début de journée des événements qui se sont déroulés depuis la dernière entrée. Certes, dans un roman-journal, on ne peut pas réellement montrer tous les jours pour mieux cibler les plus importants, mais pour autant cela donne l'impression que Haytham n’avait parfois rien écrit pendant douze ans, alors qu’il se promettait d’écrire régulièrement, et reprend l’écriture comme si de rien n’était. Si quelques jours d’interruption ne pose pas trop de soucis, passé un mois ou plus est réellement dérangeant sur un plan purement technique et logique. C’est encore plus flagrant quand on tombe en parallèle sur une entrée très courte, d’une page à peine, là pour jeter sur le papier une simple réflexion. Certains passages sont toutefois très cohérents, par exemple la référence aux relectures de ses journaux d’enfants, ceux justement que l’on a lus au début du roman.  Autre point, la subtilité des assassinats passe très bien avec de format et les combat sont rendus plus vifs grâce à la narration à la première personne. Ces scènes alternent avec les réflexions, et parfois s’y mêlent, évitant ainsi les longueurs. Certains choix par rapport aux scènes du jeu m’ont toutefois laissée dubitative dans leur exploitation bancale et expéditive. Je me suis dit que ce serait pareil pour le reste des événements, mais non, dès son arrivée à Boston (après avoir évacué toutes les scènes sur le bateau, dont une tempête, en deux lignes), tout est détaillé.

    Pour le cas où la saga des Assassin’s Creed ne vous serait pas familière, je me permets de rappeler ici ce qui nourrit l’opposition entre les Templiers et les Assassins. Pour les premiers, la seule condition pour mettre fin aux guerres est de supprimer le libre arbitre au moyen des artefacts comme la Pomme d’Éden, au cœur des premiers récits. Celle-ci, ainsi que le temple que recherchent Reginald Birch et Haytham Kenway dans ce roman, sont des vestiges de "Ceux qui Étaient Là Avant", la civilisation qui a créé l’espèce humaine et dont les survivants, Junon et Minerve par exemple, ne subsistent que sous forme d’hologrammes. Toutefois,  ce roman peut être parfaitement lu sans avoir au préalable lu les autres, ni même avoir joué au jeu vidéo, puisque tout ce qu’il y a à savoir sur les Précurseurs et les différents camps y est rappelé. En effet, les Précurseurs ne sont que mentionnés dans ce roman et c’est surtout l’opposition idéologique qui prime, entre le contrôle des Templiers et le libre arbitre des Assassins. Et ça commence dès le début, quand Haytham raconte les premiers enseignements de son père, qui lui apprend notamment à avoir de l’esprit critique tout en glissant çà et là quelques phrases du Credo des Assassins. Ces premiers enseignements demeurent fortement ancrés dans l’esprit de Haytham qui grandit ensuite avec les préceptes et les dogmes templiers, mais ne cesse de les questionner pour se forger sa propre identité du fait de son appartenance à ces deux mondes. Cela ne fait que rendre plus crédible l’évolution de son point de vue à ce propos, qui s’affirme au fur et à mesure des années, avant de ne plus devenir qu’un rêve utopique de jeune homme, mais qui se retrouve chez Connor. Mon intérêt pour les positions médianes fut amplement satisfait. Le tout est émaillé de réflexions sur la liberté, la vérité et tout ce qui fait la matière des Assassin’s Creed, avec la couleur propre à la période historique, à savoir les débats entre père et fils sur « à qui profite une révolution américaine ? » À propos de cette période, il y a un je ne sais quoi dans les descriptions de la première partie qui donne un rendu très pictural ; peut-être le flou et les lieux tapissés de bois y sont-ils pour quelque chose. De manière générale, les descriptions de Haytham sont suffisantes pour bien visualiser les lieux visités tout en laissant de la place à l’imagination. Coté personnages, on retrouve très vite le cynisme désespéré et les soupirs blasés de Haytham qui ont pu tant plaire à ceux ayant fait le jeu vidéo. C'est un personnage appréciable pour son style, son calme, son ironie et son pragmatisme. Et les réponses ironiques faites à Connor sont des plus savoureuses. On l’entrevoit également dans le jeu mais contrairement aux Templiers rencontrés dans les opus précédents, et même contrairement aux autres Templiers de ce roman, Haytham est loin d'être manichéen et se questionne régulièrement, essaye de démêler le vrai du faux face aux autres personnages. On explore des pans inédits de son histoire - certains mystères pour lui l'étant également pour nous -, aussi le roman apporte réellement quelque chose au niveau de l’intrigue. Il y a cependant quelque soucis au niveau de la gestion de l'exploration des émotions. J’imagine que la raison est qu'elles ne sont pas très claires pour le personnage lui-même, mais l’impression que j’en ai gardé était assez étrange, même si autrement, ses sentiments et ses questionnements, voire ses regrets, sont très touchants. Les autres protagonistes étant présentés à travers le point de vue biaisé de Haytham, il est assez intéressant de voir la manière dont les lecteurs parviendront à se rapprocher d'eux. Notamment Jenny, qu'il déteste et dont il dessine dès le début un portrait de femme plus blessée et frustrée que cruelle par plaisir envers son frère. Voir à vingt ans que l’on va être mariée à un homme plus vieux et que l’on n’aime pas, n’avoir jamais pu apprendre à se battre alors que son frère a le droit à cet enseignement depuis qu’il peut marcher, ça a de quoi rendre amer, même si ce n’est à mon sens pas une raison. Personnellement, je n’ai pas pu m’empêcher d’avoir pitié pour elle. Quant aux autres personnages, comme Reginald Birch, le nouveau mentor d’Haytham, puis ses compagnons dans le nouveau monde, on gardera pour eux une certaine indifférence, malgré un peu de sympathie de temps en temps. Jim Holden, l’homme de main de Haytham à Londres ou à Damas, ainsi que Ziio, résistante amérindienne et amante d’Haytham, sont quant à eux plutôt appréciables et contrebalancent avec ceux vu précédemment. A noter, il n’y a pas mention des passages avec Shay, d’Assassin’s Creed Rogue, qui pourtant auraient été intéressants à développer puisque Shay trempe également dans les deux camps. La raison ? Probablement parce que les livres sortaient avec les jeux et qu’entre les sorties d’Assassin’s Creed III et d’Assassin’s Creed Rogue, il s’était passé deux ans et que la licence ne voulait pas trop en dévoiler.

    Finalement, j’ai plutôt apprécié ma lecture de ce roman dont le niveau est bien au dessus des précédentes novélisations de la licence. Si vous avez essayé les autres romans sans trop les apprécier, peut-être que celui-ci vous plaira. Pour ceux qui seraient curieux même sans bien connaître les jeux, il pourra vous faire passer un bon moment si vous appréciez les personnages complexes.

note

Le journal intime d’un homme partagé

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